Cela fait déjà quelques jours que nous sommes à nouveau connectés au monde mais j'avoue que j'ai longtemps hésité à faire cet article car les images et les sons sont encore très présents dans nos têtes fragilisées par ce cyclone dévastateur.
Comme vous avez été très nombreux à nous écrire et à nous soutenir, je me devais de vous donner de nos nouvelles même si le coeur n'y est pas encore vraiment. Je vais aussi essayer de répondre à tous et à tous les commentaires, mais avant tout : merci!
Avant de revenir en arrière, je voulais rassurer tous ceux que nous n'avons pas encore joint par téléphone : nous allons bien (et franchement, c'est le principal), nous n'avons eu que très peu de dégâts matériels (et nous faisons partie d'une petite minorité) mais nous sommes encore bien secoués et resterons sans doute marqués à jamais par cette horrible visite et par ses conséquences sur notre île...
Nous avons commencé à entendre parler d'Oli le lundi 1erfévrier alors qu'il se rapprochait dangereusement des côtes de Bora-Bora et de Maupiti. Ces îles étant assez distantes de la nôtre et le phénomène n'étant encore classé qu'en "tempête tropicale", les services météo ne nous ont pas trop alertés.
Le lendemain, nous avons vu qu'il avait quand même bien dévasté ces îles et que Tahiti s'apprêtait à subir de sacrés vents et une énorme houle, mais nous ne réalisions pas encore que le meilleur était à venir... et pour nous!
C'est en salle des profs (car nous travaillions encore) que j'ai découvert ce site de Météo France qui donne en temps (presque réel) la courbe suivie par la tempète (en bleu) et la trajectoire qu'elle est supposée suivre en rouge. Mais bon, ce jour-là, l'optimisme est encore de mise parmi les collègues et la population de l'île car la tempête est encore loin, la trajectoire n'est qu'une estimation et elle n'est pas encore sur Tubuai... nous sommes assez insouciants!
Mercredi tout bascule : la trajectoire passe pile poil (mais alors on peut pas faire mieux, au millimètre!) sur Tubuai. On commence à réaliser que c'est du sérieux. Mais nous ne sommes encore qu'en alerte orange!!!!!!!! (en y repensant, ça me rend dingue!!!!).
Le soir, nous apprenons que Mr casse-burnes est devenu un cyclone et que ses vents se sont renforcés (ben voyons) atteignant les 200km/h en rafales!
Nous ne savons toujours pas si nous devons retourner au boulot le lendemain...
JOUR J (JEUDI 4 FEVRIER) : pendant la nuit, nous sommes passés en alerte rouge (du coup, si tu ne suis pas sur internet, tu ne le sais même pas) et le cyclone devrait nous toucher dans la nuit de jeudi à vendredi.
Tout le monde a la même liste de courses que moi : scotch (pour les vitres et parfois pour les enfants qui deviennent insupportables car la tension monte d'un cran), cordes pour le toit (pour les enfants?), eau de réserve (s'il y a un "après"), bougies et lampes en tout genre ne nécessitant pas d'énergie électrique, vivres non périssables (heureusement que le rhum est pas bon ici car j'en aurai pris un carton!), etc,...
Nous voilà au travail, affairés à attacher, mettre sur cales les différentes machines qui devront rester dehors, rentrer tous les projectiles qui pourraient voler (et les enfants?), protéger la voiture, bref se préparer à se faire secouer sec!
Vers 10h un appel me parvient d'une femme de militaire; ils sont tous dans un bunker de l'armée depuis 4h30 du mat et qu'est-ce que vous avez prévu, vous, parce que à 140km/h, on tient déjà plus debout, alors à 250Km/h...
Je lui réponds qu'on a l'intention de rester dans la maison car elle est récente... j'attends une proposition... qui ne vient pas.
Je raccroche beaucoup moins sûre de moi et du coup j'appelle la cellule de crise de l'île, leur indique où nous habitons et on me répond que nous devons rester car notre maison est neuve, certifiée anticyclonique ("certifiée" résistante à des vents de 200km, heu, et après?) : elle doit résister, il faut laisser la place dans les abris pour les plus démunis.
Ok, Ok, on se remet tête baissée dans le taf pour rendre notre maison la moins vulnérable possible (et dire que la voisine à laissé ses pots de fleurs dehors!).
Le soir, on est déjà bien crevé, les enfants sont à cran (on a plus de scotch, mince!) et je prépare une quiche aux poireaux avec peu de motivation : je la rate copieusement (faut-il que les poireaux soient aussi "stressables"?).
De toute façon, on a pas très faim. On a encore un peu le moral car Oli peut encore s'affaiblir au contact de nos eaux un peu moins chaudes qu'à Tahiti et peut-être que la trajectoire va dévier un tout petit peu nous évitant les vents les plus forts.
Ouais, jusqu'à ce qu'on regarde le dernier flash spécial dans lequel un météorologue nous "rassure" et nous assure qu'on va se prendre l'oeil, que les rafales vont dépasser les 200 (la c...e de présentatrice nous annonce même un 280, pourquoi pas, au point où on en est!), nous souhaite bon courage et nous donne un timing : 2h du mat pour l'oeil et le lever du jour pour l'accalmie.
La quiche ne passe plus du tout et le silence est imposant. Chacun gère la nouvelle comme il peut (genre "bonne fête des morts") et essaye de se ressaisir car il faut envisager une nouvelle donnée : à ces forces de vent, on est pas sûrs que les vitres et le toit tiennent.
Donc, jusqu'à 20h, on s'affaire intellectuellement, cette fois, pour prévoir des solutions de "rechange" : on décide qu'on se réfugiera dans les salles de bains dans un premier temps (car il n'y a pas de fenêtres et les murs sont plus solides) puis, si on sent que le toit nous lâche, nous prévoyons un mini-bunker sous l'évier qui est le seul point en dur véritable de la maison et sous le plan de travail de la cuisine, en espérant ne jamais avoir à utiliser cet ultime recours.
Vers 20H (déjà!!!!), le vent atteint des forces anormales avec des pluies diluviennes. C'est parti pour un compte-à-rebours interminable et épuisant. Les enfants arrivent à s'endormir malgré le vacarme extérieur (je pense que nous en sommes à 100km/h).
A 10H le vent monte d'un cran et nous décidons de nous éloigner des vitres. Jusqu'à minuit, c'est supportable, je pense que les rafales ne dépassent pas le 120.
Par contre, à partir de minuit, c'est le vrai cauchemar et ce jusqu'à deux heures du matin : la maison tremble, le toit grince et surtout, il y a un bruit assourdissant comme un train dans un tunnel qui est en fait la rafale qui nous arrive dessus. Tout est sollicité. Les vitres ploient, je pourris intérieurement (et extérieurement) ma voisine et ses pots de fleurs, on entend des bruits inhumains comme des étirements, des déchirements et des vols de projectiles qui fusent (la bâche de la serre derrière notre maison a fait un bruit d'avion à réaction au décollage en s'arrachant).
Nous nous réfugions dans la salle de bains et une petite accalmie nous fait espérer des moments meilleurs d'autant que nous nous approchons de 2h du matin...
Mais ce n'est que pour vivre le plus gros du cauchemar car le vent atteint maintenant son paroxysme (les prévisionnistes se sont trompés de deux heures!) et jusqu'à 4 heures du mat, nous allons vivre au son des rafales sur notre toit qui bouge de plus en plus, finit par secouer toute la maison et se décolle dans un angle.
Nous passons donc vers trois heures du mat au dernier plan : sous l'évier.
Il fait une chaleur atroce là en-dessous, on est pliés, les enfants ont peur, mes parents font bonne figure mais doivent se rêver dans leur maison "en dur" en métropole.
On a plus le moral, on est "limite" nerveusement. Les minutes sont des heures et ces rafales qui ne cessent d'augmenter....
Puis le miracle se produit enfin : il est 4h du mat et les rafales diminuent.
On ose pas y croire. C'était plus long que prévu, mais on est sains et saufs et la maison est debout.
C'est trop beau... effectivement, c'est trop beau : le vent tombe totalement, nous pouvons ouvrir la porte, plus un pet de zef, on est même envahi par une nuée de moustiques (MAIS D'OU ILS SORTENT?), et là, le désespoir nous retombe dessus car on commence à comprendre.
ON EST DANS L'OEIL du cyclone, ce qui veut dire une accalmie à peu près à la moitié du phénomène. C'est PAS POSSIBLE!
Là, tout se précipite dans ma tête : je ne veux pas revivre ce cauchemar!
Je décide qu'on se rende chez les militaires (le SMA se trouve juste en face de chez nous) pour se mettre dans leur bunker car notre toit ne résistera pas à un autre assaut.
Nous voyons que la route est à peu près dégagée (par quel miracle?), et nous sautons dans la voiture sans savoir vraiment ce que nous allons trouver.
Nous arrivons devant le SMA avec l'angoisse justifiée qu'ils ne nous laissent pas rentrer : c'est une base militaire qui répond à des ordres et les ordres sont de ne pas ouvrir la porte (qui est clouée par sécurité) tant que le cyclone n'est pas terminé.
Heureusement, à force de klaxons et de tambourinages porte (je peux vous assurer que j'ai retrouvé toute ma force), on nous lance les clés du réfectoire d'à côté qui n'est pas aussi bien sécurisé d'après eux mais qui nous parait être une fortification Romaine à côté de notre maison.
Quelques piqûres de moustiques plus tard (!!!!??????) nous refermons solidement la porte derrière nous et déjà le vent se remet à monter pour atteindre très vite les mêmes forces qu'avant l'oeil sauf que la direction est inversée.
Au début, le réfectoire est nickel, il a parfaitement résisté à la première vague de vents et nous réussissons à nous endormir, car la confiance et la sécurité sont de retour.
Mais le vent ne cesse de monter et même ce bâtiment va souffrir, perdant toutes ses lattes de sous-plafond et nous faisant parfois douter sur la solidité de la porte.
Nous revivons la même chose jusqu'à huit heures mais avec beaucoup moins de peur, vraiment heureux de se sentir à l'abri d'un arrachage de toit.
Puis enfin, le vent se calme, le militaires ouvrent leur porte et viennent nous voir. Les familles sont heureuses de se retrouver à l'air libre après 24heures dans un endroit confiné, tout le monde est épuisé, surtout les maris qui ont aidé la journée entière ceux qui en avaient besoin.
Nous sommes gentiment accueillis pour le petit dej et n'aurons l'autorisation de sortir de leur site que vers midi, après avoir reçu des rations de survie comme repas (un festin, je vous assure!).
Entre temps, nous apercevons notre maison, au loin : le toit est toujours là!!!!
Je reprends espoir de retrouver quelques affaires intactes malgré les infiltrations d'eau un peu partout dans la maison.
Les militaires rapportent les premiers bilans : les voitures sont intactes mais les maisons ont beaucoup souffert et une grosse partie de la population est sans toit ou dans une maison ravagée par la houle qui est sortie du lagon ou parfois même les deux!
Pour l'instant nous ne réalisons qu'une seule chose :
NOUS SOMMES SAINS ET SAUFS!!!!
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